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J'ai découvert Majid
Rhanema longtemps après avoir écrit mon essai,
en relisant les livres de Serge Latouche, économiste
du développement cité plusieurs fois dans
"Merci les pauvres !"
Majid Rahnema, iranien,
était diplomate et enseignant. Il avait 82 ans
lorsqu'il a fait le bilan d'une vie d'engagement
auprès des pauvres. Son livre est une somme de 450
pages étonnantes et stimulantes pour ceux qui
cherchent à porter un regard nouveau et positif sur
la pauvreté.
Majid Rahnema critique le fait
que dans nos sociétés capitalistes nous ne
parvenons plus à imaginer qu'on puisse mener une
existence digne d'être vécue en dehors de
l'abondance matérielle.
Il dénonce le fait que le
développement fondé sur le modèle de la
croissance des richesses matérielles a
tranformé les formes de pauvreté conviviale
présentes dans de nombreuses sociétés,
en vies misérables (la misère étant la
non-satisfaction des besoins fondamentaux).
Son livre commence ainsi :
"Ce livre est avant tout le fruit
d'une conversation ininterrompue avec moi-même. Depuis
que le mot pauvreté est entré dans mon
vocabulaire d'enfant, je n'ai cessé de m'interroger
sur son mystère." J'aurais
pu commencer "Merci les pauvres !" par les même mots.
Je conseille à tous ceux
qui s'interrogent sur les inégalités de lire
cet auteur : car pour lui, la pauvreté est une
puissance, pas une faiblesse.
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Je fais plusieurs fois
référence à ce grand penseur des
inégalités dans "Merci les pauvres". Sa vision
de la pauvreté comme absence de "capabilités"
est pour moi un apport majeur à la réflexion
sur les inégalités.
Si je le replace ici, c'est parce
que son analyse des inégalités repose sur une
analyse profondément humaniste de la pauvreté.
D'origine indienne, Amartya Sen sait de quoi il
parle.
Je pourrais citer si abondamment
Amartya Sen que cela relèverait du plagiat. Je vous
conseille de le lire, même si son livre est
très épais : il est clair dans ses
raisonnements et surtout il appuie souvent son propos en
citant des romanciers, poètes et penseurs
engagés, tels Dickens, Shakespeare ou la
féministe Mary Wollstonecraft.
Economiste de formation, il a
prolongé sa réflexion en dépassant les
limites de l'analyse économique qui ne
s'intéresse qu'aux comportements rationnels et
calculateurs. Il écrit: "Il
n'existe ici, à mon sens, aucun conflit
irrémédiable entre la raison et le sentiment ;
de très bons arguments incitent à laisser un
espace aux émotions."
En fait, Amartya Sen affirme
qu'une réflexion sur les inégalités
doit marier la rage et le raisonnement, la révolte et
la réflexion. C'était
précisément mon projet dans "Merci les Pauvres
!" Si j'avais un père spirituel, il s'appellerait
Amartya Sen.
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1800 pages, une somme, une bible,
un chef d'oeuvre, là dessus il n'y a pas de
discussion... Hugo a tout mis dans ce bouquin, à
commencer par sa vie personnelle (sa fille
décédée, Léopoldine, est souvent
évoquée par allusions , ainsi que sa
maîtresse Juliette Drouet).
Pour ce qui est des pauvres, il a
décidé de les montrer, sous toutes les
coutures, sous tous leurs visages, dans tous leurs malheurs.
"Il faut bien que la
société voit ces choses, puisque c'est elle
qui les fait", écrit-il
dès le début. Hugo est plus
qu'écrivain, il est sociologue, homme politique au
sens le plus noble ("penser, c'est agir", dit-il). Il est
mystique aussi, fasciné avant tout par la grandeur de
la Nature et de l'Humanité ("l'infini d'en
bas")...
Il veut surtout faire comprendre
que la pauvreté a son héroisme.
"La vie, le malheur, l'isolement,
l'abandon, la pauvreté sont des champs de bataille
qui ont leurs héros ; héros obscurs plus
grands parfois que les héros
illustres". Jean Valjean est
magnifique, mais Eponine aussi, la fille de
Thénardier, qui aurait voulu être aimée
de Marius. Et Thénardier, cet escroc qui vomit la
société et auquel Hugo fait dire les pires
choses contre les inégalité sociales et les
injustices que subissent les pauvres.
Page 1146, Hugo écrit
à propos de ceux qui se révoltent contre la
misère : "Les jacques, c'était les pauvres".
Ca me confirme que j'ai bien eu raison de dédier mon
essai à tous les jacques de notre monde.
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